Dans ce chapitre, Kerlan décrit les
différentes phases de la production d’un film dans la compagnie Lianhua, de
l’écriture du scénario aux premières projections internes, en passant par le
plus ou moins long tournage. La Lianhua, par le biais de ses magazines offrait
aux lecteurs, et certainement futurs spectateurs, un moyen de suivre ce parcours
complexe et semé d’embuches. Cette image cohérente et bien pensée était
construite pour donner à voir une dynamique collective. Ainsi la « visite
des studios » agrémentée par des photographies devait montrer le
« vivre ensemble » propre à la compagnie en insistant par exemple sur
la proximité entre les lieux de vie (comme les dortoirs) et les lieux de
tournage. Compagnie cinématographique novatrice, la Lianhua met autant en scène
sa propre organisation de production que ses films.
Une
question se pose peut-être : pourquoi un tel besoin de
communication ? Cela n’indique-t-il pas déjà la faiblesse de ses
films ? Non comme œuvres d’art mais comme médias suffisant pour répondre à
une curiosité consternant le monde du cinéma ? Pourquoi la compagnie
s’appuie-t-elle autant sur un mode d’expression parallèle ? Cela donne
l’impression que la construction du mythe de leur entreprise nécessite une
« traduction » pour bien mettre en évidence l’idéologie qu’ils
revendiquent… (donc : ou la production n’est pas assez claire et efficace,
ou la population manque de clefs de lecture, ou cela reflète simplement l’idée
que, plus que les films qu’elle produit, la Lianhua s’attache à son image…).
Autre question liée à ce dévoilement
important des « coulisses » par le biais de l’écrit et des
photographies : est-ce que cette façon d’éclairer l’envers du décor ne
brisait-elle pas le charme de la magie des salles obscures où l’on se plait
généralement à rester dans l’illusion du réel que propose la fiction ? (Il
est vrai que la Lianhua proposant un modèle, de société cette coupure (avec la
production en elle-même) n’était peut-être pas recherchée). Mais quel était le
positionnement des spectateurs ?
La première étape, celle de l’élaboration
du scénario était particulièrement importante pour la Lianhua, qui, n’ayant pas
les moyens de Hollywood, misait avant tout sur une trame narrative (visuelle)
de qualité. Les films devaient amener « les spectateurs à réfléchir tout
en laissant des impressions profondes ». Quant aux sujets (privilégiés) de
« société », ils devaient toucher un très large public. Ces
scénarios, parfois inspirés par la littérature étrangère étaient généralement
écrits par la Lianhua et passaient ensuite par un « Comité d’examen »
composé de réalisateurs, scénaristes, directeurs : cela permettait une
sorte d’uniformisation. Le tournage, plus libre, pouvait se faire à l’intérieur
avec des décors, ou en extérieur (à Suzhou par exemple), mais jamais la Lianhua
ne regardait à la dépense. On note toutefois que les tournages en extérieur ne
se faisaient jamais lorsque le film portait sur le petit peuple urbain, les décors
étant alors privilégiés. Y avait-il une raison à cela ? Pourquoi l’aspect
« documentaire », possible pour les campagnes ne l’était pas pour le
milieu urbain ?
Dans ce chapitre, Kerlan mentionne aussi
le très tardif passage au parlant de la Lianhua (une de ses spécificités).
Contrairement à la Minxing, la Lianhua a privilégié la musique et le chant. Les
problèmes étaient en effet nombreux (manque de technologie, coût élevé, salles
non équipées, problème des langues…) Enfin, en ce qui concerne la censure, on
peut être étonné par le fait qu’à Shanghai c’est l’instance de censure locale,
le Shanghai Municipal Council qui a posé plus de problèmes que la censure
nationale de Nankin mise en place à partir de 1934…
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